Dix jours après sa prise de service le 12 août dernier, Mamoudou Kassogué, nouveau procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la Commune III et procureur du pôle économique et financier de Bamako, était, hier, face à la presse.
Objectif : dévoiler la stratégie que lui et son équipe entendent mettre en œuvre pour lutter contre la corruption dans notre pays. Pour ce point de presse, le nouveau procureur anti-corruption était entouré de plusieurs de ses collaborateurs.
On peut dire que Mamouou Kassogué a du pain sur la planche. Il prend service à un moment où beaucoup d’affaires de corruption sont révélées ou dénoncées tant par le rapport 2018 du Vérificateur général que dans la presse et même par des lanceurs d’alerte. Cela se passe aussi à un moment où la corruption dans notre pays est fortement évoquée dans l’actualité nationale et internationale. Pour tout dire, le phénomène de la corruption fait couler beaucoup d’encre et de salive dans notre pays.
Le procureur anti-corruption n’a pas manqué lui-même de souligner l’acuité du problème pour la résolution duquel il est fortement attendu. «Nous arrivons dans un contexte difficile, un contexte de suspicion généralisée où la corruption constitue un sujet de préoccupation nationale, une question existentielle pour l’avenir même de notre pays…», a indiqué Mamoudou Kassogué, pour qui, la corruption existe dans tous les pays, mais l’ampleur avec laquelle le phénomène est actuellement perçu dans notre pays est inquiétante et doit interpeller tout le monde.
Le procureur déplore que dans cette lutte, la justice d’une manière générale et les pôles économiques et financiers sont considérés comme étant les causes de son échec.
Il dira que les griefs portés contre la justice portent généralement sur le non aboutissement de la plupart des enquêtes ouvertes, la grande lenteur des enquêtes, le nombre élevé des classements sans suite et le silence de la justice sur les cas de corruptions révélés. Mais pour lui, cela s’explique par la volonté de la justice de déterminer les circonstances exactes des faits, d’identifier les vrais auteurs pour éviter de condamner des innocents. D’après Mamoudou Kassogué, la plupart des dossiers de corruption portent sur des faits criminels nécessitant l’ouverture d’une enquête qui peut prendre du temps.
Il a expliqué que les classements sans suite sont liés à l’action publique, entre autres, la prescription, l’amnistie, l’abrogation de loi, la mort du mis en cause. A ces causes, il a ajouté la difficulté à réunir les éléments de preuves sur des dénonciations, la faiblesse des moyens mis à la disposition des pôles économiques et financiers, la non-extension des avantages du pôle économique et financier aux autres membres de la chaîne pénale en charge de la lutte contre la corruption, les interventions tous azimuts et inopportunes dans les affaires judicaires, l’obstacle lié aux immunités et privilèges de juridiction et les problèmes liés à la formation et à la spécialisation des personnels. En plus de tout cela, le procureur a pointé du doigt le sentiment d’existence de «personnes intouchables».
«En dépit de ces nombreux défis, au niveau du pôle économique et financier, nous entendons pleinement jouer notre partition dans la lutte contre la corruption avec engagement, détermination et responsabilité…», a assuré Mamoudou Kassogué, qui s’est engagé à mener une lutte objective et transparente contre le phénomène.
Pour ce faire, il compte capitaliser et améliorer toutes les bonnes pratiques acquises au contact de la réalité et au fil des formations reçues. Il entend également s’appuyer sur les résultats de ses devanciers à savoir Amadou Ousmane Touré, Sombé Thèra, Mohamed Sidda Dicko et Mahamadou Bandjougou Diawara.
Ouverture d’enquêtes – Le nouveau procureur anti-corruption promet d’ouvrir systématiquement des enquêtes sur tous les cas de corruption, dont il aura connaissance par suite de plaintes, de dénonciations ou par d’autres voies. Il a révélé que c’est déjà le cas dans les affaires dites des avions et hélicoptères cloués au sol et des ristournes de la Confédération des sociétés coopératives des producteurs de coton. Le magistrat a promis qu’il en sera de même pour tous les cas qui seront portés à sa connaissance.
«Nul n’étant au-dessus de la loi, des poursuites seront systématiquement engagées contre toutes les personnes que les enquêtes feront découvrir comme étant présumées auteurs, co-auteurs ou complices des faits de corruption», a assuré le procureur Kassogué. Selon lui, les dossiers concernant les personnes qui bénéficient de privilèges de juridiction seront transmis à qui de droit.
Enfin, le procureur Mamoudou Kassogué a proposé d’adresser des propositions de réformes aux autorités compétentes pour contribuer à réduire le délai de traitement des dossiers, au jugement d’un nombre appréciable de dossiers de corruption, à assurer l’exécution diligente des condamnations à l’amende, au remboursement et confiscations ordonnées. Il entend aussi contribuer à faire baisser de façon substantielle, le sentiment d’impunité de certains, à inverser favorablement la perception de la corruption dans notre pays et à faire baisser son niveau.
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